Vie du musée
Beaux-arts
Musées d'Annecy

La collection beaux-arts du Musée-Château

A travers les fonds de peintures, sculptures, arts graphiques et photographies, les collections offrent une vision sur le territoire annécien et les vallées alpines du Moyen Âge à la première moitié du XXe siècle.

L’art en Savoie à la fin du Moyen Âge

[Les titres soulignés invitent à regarder les œuvres dans le diaporama sous ce paragraphe]

Sur la première ligne de l’inventaire du musée en 1860, c’est une peinture qui est inscrite : un diptyque représentant la Vierge et le Christ bénissant, vers 1500. Le volet de retable provenant des anciens hospices de la ville, lui répond. Daté vers 1470-1480 et attribué à un peintre savoyard, il représente le Couronnement de la Vierge sur une face et saint François recevant les stigmates sur l’autre. Le vitrail figurant saint Pierre est une autre pièce majeure de la collection. Il est attribué à Conrad Witz, peintre établi à Bâle dès 1431 et auteur du maître-autel de la cathédrale de Genève dont les volets de retable sont conservés aujourd’hui au Musée d’Art et d’Histoire de la Ville.   

La statuaire permet d’entrevoir l’intensité de la dévotion en Savoie à la fin du 15e siècle. Traits-d’union entre Dieu et les hommes, les saints assurent de bonnes récoltes, protègent le bétail, guérissent de la peste ou éloignent le danger des voyageurs. Saint Antoine fait ainsi partie des saints les plus vénérés en Savoie. Saint guérisseur, son culte est intimement lié à une terrible maladie qui ravage l'Europe médiévale, le « mal des ardents », dit également « feu de saint Antoine », due à l'ingestion de seigle parasité par un champignon lors des périodes de climat particulièrement médiocres.

Saint Maurice est un autre saint personnage au culte très répandu. Martyrisé avec 6600 soldats par l’Empereur Maximien à Saint-Maurice-d’Agaune dans le Valais (Suisse), il est représenté sous les traits d’un chevalier. Ce saint cuirassé, dont le culte se répand notamment en Allemagne, en Italie du nord et en Savoie, est le protecteur de la maison de Savoie.

Le petit bas-relief représentant le miracle de saint Hubert agenouillé devant un cerf, apparaît au contraire comme un exemple isolé dans le milieu artistique local du 15e siècle. Le culte du saint se répand en effet essentiellement en Europe du Nord. Provenant de l’église Saint-Hélien à Duingt au bord du lac d’Annecy, il reprend les modèles de représentation venus des Pays-Bas ou de la vallée du Rhin. Protecteur des chasseurs, saint Hubert rencontre les faveurs de l’aristocratie médiévale, très férue de ce passe-temps.

Le musée conserve également un très bel albâtre anglais daté du 15e siècle, typique des ateliers installés autour des carrières situées non loin de la ville de Nottingham, dont la production réputée s’exportait dans toute l’Europe. Le bas-relief représente l’Assomption de la Vierge et provient de l’abbaye de Tamié.

Cet ensemble d’œuvres témoignent de la variété des langages stylistiques de ce vaste territoire, au carrefour de l’Europe, enrichie au fil des échanges frontaliers, de la diversité des commandes et de l'origine des commanditaires, de la mobilité des artistes ou encore de la circulation des œuvres, des modèles et des savoir-faire. 

Saint Antoine abbé, Bourgogne, 1455-1460, prov. église de Saint-Jorioz, bois (noyer) polychrome, inv. 2001.0.1405 © Denis Vidalie

Le Couronnement de la Vierge, Savoie, vers 1470-80, peinture sur bois (noyer), inv. 11205 © Dominique Lafon

Le miracle de saint Hubert, Savoie, fragment de retable, dernier quart du XVe siècle, bois (noyer) polychrome, inv. 3541 © Denis Vidalie

Atelier de Conrad Witz (attribué à), Saint Pierre, vers 1440-1450, verre transparent, grisaille et jaune d’argent, inv. 13042 © Dominique Lafon

Un guerrier casqué (saint Maurice), Savoie, vers 1470-1480, bois polychrome, inv. 2011.0.111 Cliché Florence Lelong

Paysages alpestres et lacustres

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Les collections des paysages alpestres et lacustres emmènent le visiteur à la conquête des cimes, sur les traces des peintres marcheurs et alpinistes, en quête de panorama. La montagne est en effet un paysage lentement conquis, au gré de la marche vers les sommets, lente ascension entamée au 18e siècle par les écrivains, les scientifiques, puis les peintres. Pour ces derniers qui suivent les premières expéditions, faire des cimes alpestres un sujet de peinture est loin d’être une évidence. L’expérience paysagère, de la pénétration pionnière des vallées aux aménagements touristiques des sommets, va, en quelques décennies, profondément changer les regards.

Le vocabulaire graphique des tableaux de la fin du 18e siècle traduit d’abord une certaine inquiétude : dans ces vallées à l’horizon fermé par les silhouettes acérées des sommets, la fragilité et la solitude de l’homme qui apparaît en caravanes minuscules, accentue le caractère hostile et menaçant de ces paysages, comme dans les œuvres du peintre Claude-Louis Châtelet. William Delamotte, peintre anglais du « Grand Tour » accompagne les premiers visiteurs des vallées alpines et représente la Vallée de Chamonix, dans les premières années du 19siècle, diffusant un point de vue devenu incontournable. Les peintres dramatisent ces visions alpestres : les arbres se ploient annonçant l’orage sous un ciel lourd, les torrents roulent leurs eaux tumultueuses, le lever du jour, moment fugace et subtil, voit partir les randonneurs vers le sommet, courbés sous le poids de leur sac. Peu à peu cependant, au fil des perceptions marchées, les montagnes s’apprivoisent et, de cette conquête, émerge une véritable école de peinture alpestre, marquée par des peintres comme Alexandre Calame ou Claude-Sébastien Hugard de la Tour.  

Prosper Dunant apparaît comme le fondateur de l’école de paysage annécienne. Après les sommets, le lac devient à son tour un champ d’investigation sans limite. De nombreux peintres installent leur chevalet sur ses bords, tels Paul Cabaud, Firmin Salabert ou Gabriel Loppé. Ils le représentent sous toutes ses facettes et en toutes saisons, chacun avec sa sensibilité propre. Cette nature n'est pas vide et il faut s'amuser à débusquer les figures qui l’animent de leur présence discrète, les promeneurs, les bateliers ou les gardiennes de troupeaux. Le lac est le cadre de moments de vie, ainsi ce couple qui ramasse du bois dans ce paysage hivernal de Loppé où tout semble pourtant figé par le froid ou ces amoureux, seuls sur le lac au clair de lune.

Avec la naissance et le développement de la navigation à vapeur à partir de 1860, l’utilisation du lac lui-même va évoluer. Parallèlement à l’afflux des touristes, la recherche du point de vue prend le pas sur la traversée routinière et le paysage devient la raison d’être de la navigation lacustre. L’été, les rives du lac sont le cadre de villégiature d’artistes de passage, autour d’André-Charles Coppier ou d’Albert Besnard, tel le peintre alsacien Marcel Rieder, connu pour ses scènes nocturnes intimistes.

Comme un point d’orgue à cette découverte, Paul Cabaud s’élève et peint deux panoramas monumentaux depuis les fameux belvédères qui dominent de part et d’autre le lac d’Annecy, le Semnoz et le Parmelan, offrant une vision cinématographique et magistrale sur le lac et son environnement alpestre.

 Plus rarement montrée pour des questions de conservation, les collections photographiques sont venues compléter ces paysages peints, dessinés ou gravés. Plusieurs fonds majeurs ont été acquis ces dernières années : fonds Gabriel Loppé, Henri Cameré, Paul Mysse, Henri Bussillet ou encore Victor de Gaudemaris. Ces acquisitions ont complété le fonds historique qui comportait déjà de grands noms de la photographie de montagne : Edouard Baldus, Bisson Frères, Adolphe Braun ou encore le studio Tairraz de Chamonix.

Claude-Louis Châtelet, Vue du Val de Travers, 1787, huile sur toile, inv. 18792 © Musées d’Annecy

Gabriel Loppé, Zermatt, séracs du Schwarzthor, 1889, tirage aristotype à la gélatine, inv. 2015.3.20 © Denis Vidalie

Henri Bussillet, La Mer de Glace, 1912, plaque stéréoscopique autochrome, inv. 2014.4.88 © Musées d’Annecy

Henri Cameré, Marcelle Cameré sur la Mer de Glace, 1929, tirage gelatino-argentique, inv. 2002.0.6.15 © Musées d’Annecy

Paul Mysse, Le champ de blé, vers 1925, tirage aux encres grasses, inv. 2013.4.1213 © Musées d’Annecy

Gabriel Loppé, Le Roc de Chère depuis Menthon, vers 1855-1860, huile sur toile, inv. 2019.4.1 © Musées d’Annecy

André-Charles Coppier, Tempête au Roc de Chère, vers 1922, brou de noix sur papier, inv. 2008.1.32 © Musées d’Annecy

Marcel Rieder, Un soir au bord du lac d’Annecy, vers 1920, huile sur toile, inv. 2023.7.1 © Musées d’Annecy

Paul Cabaud, Le lac d’Annecy vu des hauteurs de Talloires, 1870, huile sur toile, inv. 4659 © cliché Pedro Studio

Gabriel Loppé, La comète de Donati, 1858, huile sur toile, inv. 15444 © Denis Vidalie

Victor de Gaudemaris, A travers les Alpes, sur le glacier blanc, Oisans, vers 1908, plaque de verre, inv. 2019.5.211 © Musées d’Annecy

William Delamotte, Le Mont-Blanc vu de la vallée de Chamonix, vers 1802, huile sur toile, inv. 17592 © Musées d’Annecy

Paul Cabaud, Panorama des Alpes vu des lapiaz du Parmelan, 1887, huile sur toile, inv. 11288 © Denis Vidalie