Ascension du Parmelan, cliché Walter Krestschmer Berlin, fin XIXème, fonds de la photothèque des musées d'Annecy
« Un matin de l'année 1873, je me dis : le ciel est aujourd'hui sans nuages ; je dois, depuis longtemps, une visite au Parmelan ; partons !
M. Verjus, clerc de la paroisse, qui doit nous servir de guide, est un homme de quarante-cinq à cinquante ans, grand, pâle, avec une physionomie sans caractère bien prononcé, mais souriante. Nous faisons bientôt avec lui une entrée solennelle sous les dômes des noyers qui ombragent le village de Naves. Il nous précède portant gravement son gigantesque alpenstock comme une crosse d'évêque. Notre sentier, ou plutôt celui de l'âne, coupe la montagne de flanc, par des rampes de différents degrés, côtoie la lisière des bois, serpente dans les pâturages, visite le chalet Chapuis d'où nous découvrons déjà une très jolie vue sur le bassin d'Annecy. Il monte ensuite dans un bois de sapins, traverse le Plan de l'écureuil, clairière de quelques mètres de surface, et de là se dirige presque horizontalement vers les rochers où grimpe le Grand-Montoir, sentier rocailleux, abrupt, mais dans lequel le pied rencontre des points d'appui solides.
Nous franchissons sans trop d'hésitations le Pas des Contrebandiers, étroite corniche de quelques mètres de longueur qui longe un rocher à pic au-dessus d'un précipice. Au dernier contour, la chaîne étincelante des grandes Alpes se dresse brusquement devant nous. Électrisés par ce spectacle, nous franchisons lentement les gradins rocheux qui nous séparent du sommet du Parmelan. Au Signal, nous découvrons d'un côté, à quelques mètres au-dessous de nous, les vagues immobiles d'une mer de rochers nus, crevassés, d'un aspect étrange et désolé, se perdant dans un entassement titanique de montagnes couvertes de pâturages, hérissées de noirs sapins ; plus haut, dans les régions éthérées, des dômes, des pics étincelants de neige, des glaciers éternels resplendissants de lumière. La grande nature alpestre, dans son immobilité tourmentée, dans sa sauvage et muette grandeur. De l'autre côté, un abîme verdoyant, les méandres argentés des rivières au fond des vallées, les molles ondulations des collines revêtues de pampres verts, les plaines dorées par les moissons.
La sous-section d'Annecy du Club Alpin Français s'est imposé la tâche d'améliorer le chemin pittoresque du Grand-Montoir qui conduit au sommet de cette montagne et d'encourager par des subsides l'établissement d'un chalet-abri pour les voyageurs. Nous espérons qu'elle pourra bientôt dire aux artistes, aux savants et aux touristes : « Du Parmelan le chemin est ouvert ».
Courant 1882, la même section organise une loterie pour subvenir aux dépenses pour la construction d'une cabane au sommet ; le lot à gagner est un tableau du peintre annécien Paul Cabaud représentant une vue prise du sommet. Le chalet situé à 1 825m d'altitude est inauguré le 9 septembre 1883 ; il porte le nom de son initiateur Camille Dunant. En 1886 le chalet n'a provisoirement que de la paille à discrétion pour le coucher et quelques provisions de bouche ; les lits viendront plus tard.
Aujourd'hui, le refuge n'a pas beaucoup évolué, avec son bâtiment rustique et son équipement sommaire (c'est ce qui en fait son charme). Son gardien Julien Lutz vous accueille de juin à septembre et les week-ends suivants jusqu'à la fin octobre. Le refuge est équipé de trois dortoirs de 10, 15 et 20 personnes, les couettes et oreillers vous sont fournis. Il faut juste ne pas oublier d'emporter « son sac à viande ». La spécialité du cuisinier est le farcement.
Source : Le Parmelan et ses lapiaz de Camille Dunant, membre du Club Alpin Français