Musée-Château d'Annecy
Du 4 décembre 2020 au 15 mars 2021
+ REPORT : du 3 décembre 2021 au 14 mars 2022
Synopsis
Le Musée-Château d’Annecy présente une exposition autour des représentations sculptées des Vierges de Piété réalisées par des ateliers savoyards à la fin du Moyen Âge. La Vierge de Piété, ouPietà, constitue un sujet artistique majeur de l'iconographie chrétienne qui se répand dans l’Europe du XVe siècle.
Ce thème douloureux représente la Vierge, tenant sur ses genoux le corps de son fils descendu de la croix. Un ensemble exceptionnel d’œuvres est rassemblé pour la première fois. Déclinant un modèle formel commun et présentant une riche polychromie, ce groupe de Pietà permet d’étudier l’organisation des ateliers de sculpteurs et de mettre en évidence la diffusion des pratiques et des savoir-faire à travers le territoire.
Certaines sculptures ont fait l’objet d’études en laboratoire dans le cadre du programme PATRIMALP porté par l’Université de Grenoble. Une application numérique 3D spécialement conçue pour l’exposition permet d’appréhender des techniques parfois complexes et de s’initier aux analyses scientifiques, faisant ainsi se confronter les points de vue de l’historien, de l’historien d’art et du scientifique.
A travers une trentaine de pièces remarquables (sculptures, mais aussi vitrail, gravures, manuscrits et textiles) le visiteur est sensibilisé à la manière dont ces œuvres étaient conçues pour être perçues par les fidèles et découvre une part importante de la richesse artistique du territoire savoyard à la fin du Moyen Âge.
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L’exposition du Musée-Château s’inscrit dans un projet transfrontalier abordant les techniques médiévales et les pratiques d’ateliers ; ces expositions, rassemblées sous le titre général De l’or au bout des doigts, sont présentées dans les musées d’Annecy, Sion, Turin, Suse, Aoste, sur le site des musées de Genève, à partir de l’hiver 2020, puis à Chambéry et font l’objet d’un catalogue commun.
L’exposition d’Annecy est présentée avec le concours de l’Université Grenoble-Alpes dans le cadre du programme PATRIMALP.
Découvrez la visite virtuelle : https://www.lookin3d.fr/visite-virtuelle/exposition-la-pieta/fullscreen
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Le parcours de l’exposition
1. LE CONTEXTE DEVOTIONNEL
La salle des Colonnes, première salle de l’exposition, immerge le visiteur dans le contexte dévotionnel de la fin du Moyen Âge en Savoie.
On découvre ainsi un registre témoignant de la visite en 1581 de l’évêque dans les églises de son diocèse. Parmi ses notes, on relève la mention d’une chapelle consacrée à la Vierge dans l’ancienne église de Cusy pour laquelle avait été commandée une Pietà, présentée aujourd’hui dans l’exposition.
La première partie de l’exposition rassemble des images illustrant les scènes de la Passion du Christ (c'est-à-dire son arrestation, sa condamnation et sa Crucifixion), à travers des manuscrits, des gravures ainsi qu’un vitrail.
Dès l’entrée, le visiteur peut admirer un autel sculpté et peint datant de 1432. A cette époque, l’iconographie de la Pietà n’est pas encore fixée. Cette iconographie particulière s’est plutôt développée sur notre territoire vers 1480, nous arrivant d’Allemagne où elle a commencé à se développer dès le XIVe siècle.
Le contexte particulier du XVe siècle avec ses épidémies mais aussi son développement économique constitue peut-être une explication à la diffusion de ce thème poignant, exaltant le sentiment d’amour entre une mère et son fils.
Douze Pietà sont réunies dans une grande vitrine réalisée sur mesure pour l’exposition ; cette présentation permet d’en apprécier les différences et les similarités.
Elles ont toutes été réalisées dans un laps de temps d’une cinquantaine d’années, entre 1480 et 1530.
Voiles, robes, plis… : l’ensemble témoigne d’une grande homogénéité. Ces sculptures n’ont pas été réalisées dans un seul atelier. Elles dérivent cependant d’un modèle unique ou interprètent une même œuvre de référence qu’il est délicat d’identifier aujourd’hui, faute de documents d’archives.
Certains détails permettent cependant de regrouper les Pietà, sans qu’il soit possible d’identifier la main d’un sculpteur en particulier : dimensions, position diagonale ou cassée du bras du Christ, auriculaire de sa main couvrant l’annulaire, larmes sur les joues de la Vierge…Une aide graphique dans l’exposition aide le visiteur à aiguiser son regard sur ces analyses formelles.
Certaines similitudes sont telles que, pour des œuvres de format plus modeste, il est possible d’envisager un travail en série dans les ateliers, pratique avérée au Moyen Âge. Enfin, même si elles n’ont pas subi les mêmes altérations au cours du temps, les études ont révélé que ces Pietà étaient recouvertes d’une riche polychromie.
La robe et le manteau de certaines Pietà de ce corpus étaient peints de manière à donner l’illusion d’un riche vêtement brodé, à l’image des textiles qui circulaient dans les cours princières contemporaines. Ces riches atours humanisaient les figures saintes, les rapprochant ainsi des fidèles. Ils avaient pour objectif de les magnifier mais également de les rendre visibles dans la pénombre des églises.
La salle suivante permet de comprendre les techniques utilisées pour décorer ces sculptures.
2.LA SCIENCE AU SERVICE DE LA CONNAISSANCE
La prise en compte de la polychromie des œuvres sculptées est récente et ne date que des années 1970/1980.
On imaginait encore récemment le Moyen Âge comme une période aux décors sombres et austères. Ce n’est pas le cas, et les recherches scientifiques en témoignent.
- L’étude xylologique permet d’identifier les bois utilisés (ici : du noyer) et les parties du tronc employées.
- La microscopie électronique à balayage (MEB) détecte la composition chimique des matériaux employés, permettant de repérer par exemple de traces d’étain et de retrouver ainsi la présence de brocarts appliqués très altérés et devenus invisibles à l’œil.
- Les micro-prélèvements sont parfois nécessaires et mettent en évidence les différentes couches composant la polychromie des œuvres.
Dans le cadre du projet universitaire PATRIMAL,dirigé par l’Université de Grenoble (UGA), deux laboratoires grenoblois, ArcNucléart et l’institut Néel-CNRS ont étudié deux Pietà : celle provenant de l’église de Saint-Offenge-Dessus aujourd’hui déposée au Musée Savoisien de Chambéry et une seconde appartenant aux collections de l’Académie florimontane, exposée au château de Montrottier.
L’ancienne cuisine du château, vaste salle aux deux imposantes cheminées, abrite les résultats des recherches scientifiques menées pour cette exposition.
Les deux sculptures étaient très richement ornées de « brocarts appliqués » (voir ci-dessus).
Une application 3D présentée dans l’exposition permet de comprendre les investigations scientifiques réalisées sur ces deux œuvres, de montrer les apports des analyses physico-chimiques à l’histoire de l’art et à la connaissance des œuvres.
A partir de ces études, une reconstitution numérique d’un motif de brocart permet de comprendre l’aspect que pouvait avoir ces œuvres sortant de l’atelier du sculpteur à la fin du 15e siècle.
De même, des prêts exceptionnels du Musée des Tissus de Lyon, une chape du 15e siècle et deux somptueux fragments textiles, permettent de comprendre l’inspiration des polychromeurs et les emprunts qu’ils ont pu faire à la production textile contemporaine.
Enfin des vitrines présentent les outils et les matières utilisés pour réaliser des brocarts appliqués, dont les coûteux matériaux apportant leurs couleurs aux statues : l’azurite, l’argent, l’or, la cochenille…