Les Nuits Théâtrales dans la cour du château d'Annecy été 1954, cliché Maurice Littoz-Baritel, fonds de la photothèque des musées d'Annecy.
Pendant six semaines, une soixantaine d'amateurs, sous la direction des quatre instructeurs, et avec le concours ardent d'une partie de la population d'Annecy, ont mis au point les éléments plastiques, musicaux et scéniques d'une représentation, dont on peut dire qu'elle a été inouïe.
La représentation d'Hamlet, dans l'intégralité de son texte, a duré près de cinq heures, sans aucun entracte. La nuit était fraîche et les prudents s'étaient munis de couvertures. Le public était composé de 1200 personnes, pour une petite part, d'estivants, et pour une très grande part, d'habitants d'Annecy et de ses environs : notables, employés, ouvriers, commerçants. Des collectivités s'étaient déplacés : tout un village, sous l'impulsion de son maire, telle paroisse, amenée par son curé ; l'ensemble des employés de la Sécurité Sociale. Il serait insuffisant de dire que l'attention de ce public a été soutenue : en vérité, le temps s'est arrêté dès les premiers appels des officiers montant la garde sur les remparts d'Elseneur, et n'a recommencé à courir qu'après le triomphe funèbre de Fortinbras. Le public a été saisi, immédiatement et pendant la durée entière du spectacle. Il participait, pour la première fois sans doute, à une action qui, à la fois, le concernait profondément, et l'emportait hors de lui.
Il y a eu trois représentations successives d'Hamlet, totalisant environ 3000 spectateurs, et en outre deux représentations de Dom Juan.
Source : Extraits de « Écrits sur le théâtre » de Michel Vinaver.